déc 172009

gi_0098L’utilité est toujours l’alibi de la médiocrité ou de la capitulation. Elle s’oppose à la beauté, qui est gratuite, parce que grâce. Elle s’impose sans peine à elle, car, pourvoyeuse alimentaire et maquerelle de nos besoins, elle porte avec elle toute la tristesse de la viande et la gloire vaine de l’astuce mécanique. Judas aura raison jusqu’à la fin du temps. Il préférait rassasier l’estomac des impécunieux plutôt que de parfumer un dieu. L’utilité a souvent la morale pour elle, si elle n’a l’ivresse de la prodigalité.

Nous avons nous aussi nos apôtres de l’efficacité économique, nos amateurs de pommes de terre, nos calculateurs pointilleux, nos maniaques du tiroir-caisse, nos mystiques de la statistique, nos intoxiqués de la bourse, nos éternels adulateurs du bon sens monnayé.

Il y en a pour qui une autoroute aura beaucoup plus de charme qu’une départementale, et qui seront plus heureux dans un couloir stérilisé de bureaux enfiévrés plutôt que sur un chemin humant la terre nourrie de bouse et de pas lents.

Ce n’est plus Babel. C’est désormais la liquéfaction universelle, l’Océan glauque des misères achetées et vendues, la surrection grouilleuse de Messire Gaster. [Rabelais dénonçant la subversion du haut par le bas et la prise du pouvoir par l’estomac !]

Tout pour la tripe ! Et hardie la matière fécale à l’assaut des continents ! Et la fange s’étend, dévorant les vertes prairies de nos enfances submergées, noyant la Terre, décomposant nos âmes, et nous transformant tous en insectes nauséabonds et pataugeant, comme des scolopendres unijambistes.

Dans la soupe puante où clapotent les agioteurs, les traders, les cadres dynamités et les dopés d’objectifs exquis comme des cadavres, la bandaison a quelque chose de l’anguille chloroformée, et les économistes infestent leurs éponges cervicales de racontars chiffrées et d’alcool de contrebande. La raison marchande régurgite ses vérités dans une gourde mélopée de borborygmes, que déglutit la vase adipeuse des profits.

Le globish [global english] est cette fugue visqueuse qui coagule le tout, anglosaxonnisation vocalisée de nos contraintes laborieuses, glossolalie sacrée de la boutique, ritournelle obligée, aussi fatale que le cliquetis sourd des chaînes d’esclaves. Mais pourquoi donc taire nos répugnances et notre haine ?

Le globish est ainsi devenu, pour les hommes sombres aux costards de pluie, pour ces « officiers » sérieux et volontiers sermonneurs, ces ombres serpentant parmi les ordinateurs nauséeux, le SIGNE, la carte d’entrée au paradis des modernes. Hors de là, point de salut ! Honte aux énergumènes ignorants ! On organise des stages, pour eux, les autochtones patoisant un français ringard, pour les ineptes, les handicapés de la performance, les non motivés, les païens que la langue de la City n’a pas encore léchés, pour ces pauvres mignons des bancs d’école, qui aimeraient tant ébattre leur fraîcheur en lisant des poèmes de Ronsard !

Parce que l’anglomanie, c’est la nouvelle échelle de Jacob, l’ascenseur pour le strapontin dérisoire, la nouvelle épaulette, la savonnette à vilains des boutonneux socialcommercialisés, entrés en crabes gavés de hamburgers dans la vie suractive.
« Je parle anglish, donc le suis ».

Et malheur au récalcitrant, à l’âne têtu rivé à son lopin de patrie linguistique !
Qu’on se le dise : l’anglish doit devenir notre langue maternelle !
La langue de nos mères !
Et merde !

Claude Bourrinet

3 Réponses to “Parlez-vous globish ?”

  1. firenza dit :

    Que penser en effet ?

    Et bien que le Latin nous parle plus au cœur et à l’âme que l’esperanto-globish… Une langue pour tous qui nous renvoie à une culture commune… Le Latin s’apprend très bien par le truchement de la Toile… Notre lien linguistique nous l’avons, ici et maintenant, enraciné, reste à le revivifier !

    JMV

  2. NERRIERE dit :

    Je m’associe volontiers à la préoccupation de Claude Bourinet, mais il me faut en corriger le titre.

    En tant que créateur du concept “globish”, et propriétaire de la marque déposée, je dois expliquer: le “globish” est un anglais essentiel, tactiquement limité pour faciliter la communication internationale. Ce n’est ni un sabir, ni un pidgine, c’est un anglais correct, mais plus accessible par la structuration délibérée de ses limitations.

    L’espéranto ayant échoué en dehors de ses deux millions de fidèles, il faut un véhicule de communication mondial. Ou nous nous acceptons l’anglais de facto, ou nous en promouvons une version allégée mais suffisante.

    Cet outil est alors aussi difficile pour les Anglophones que pour les barbares dont je suis à leurs yeux: pratiquer sa langue en version réduite est malaisé pour eux. Une égalité de statut est ainsi rétablie.

    Et c’est pour nous le dernier moyen permettant de limiter l’influence culturelle de leur langue, et donc de sauver la position culturelle des autres langues, en particulier du français.

    Plus sur http://www.jpn-globish.com. Vous y trouverez les références des livres traitant du sujet, traduits déjà en six langues étrangères, dont les plus parlées. L’un de ces ouvrages contient une campagne pour la langue française qui devrait réjouir Claude Barinet.

  3. Bill Chapman dit :

    J’espère que vous etes prêt a accepter la réaction d’un britannique qui a l’anglais (pas le Globish!) comme langue maternelle. Nous avons besoin d’une langue auxiliaire. Le monde a besoin d’une langue auxiliaire. Pourquoi pas l’esperanto ?

    L’espéranto n’a pas gagné jusqu’ici le soutien qu’elle mérite. Cependant, toutes les choses considérées, elle a réellement fait du progrès bien étonnant. Dans un peu plus que 120 ans, elle est parvenue à se développer d’un projet avec un seul locateur dans un seul pays à un langage naturel avec environ 2.000.000 esperantophones dans plus de 120 pays avec une littérature riche. Cette langue va lentement, sûrement en avant. l’Internet lui a donne un élan significatif ces dernières années. Je suis tout à fait optimiste au sujet de son avenir.

    Qu’est-ce que vous pensez ?

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